SOFAM - Médiatine 2020
Etiennette Plantis, Et vous, le bonheur, vous l'imaginez comment? 2019, photo de Bart Decobecq
SOFAM - Médiatine 2020
Etiennette Plantis, Et vous, le bonheur, vous l'imaginez comment?, 2019, photo de Etiennette Plantis
SOFAM - Médiatine 2020
Etiennette Plantis, 2019, photo de Bart Decobecq

Mardi  11  février 2020

Médiatine 2020

Etiennette Plantis reçoit le Prix SOFAM

Lors du récent Prix Médiatine - organisé chaque année par notre partenaire le Centre Culturel Wolubilis à Woluwe Saint Lambert – Etiennette Plantos a reçu le Prix SOFAM, d'une valeur de 1500 euros.

Le travail de Plantis s'est distingué auprès du jury professionnel pour son application espiègle de couleurs et de motifs rythmiques dans une installation intégrale: aucune surface ne semble rester intouchée. L'inventivité et l'humour de son œuvre témoignent d'une maîtrise de soi: avec des supports divers, Plantis crée une cohérence convaincante en une installation narrative et absurde qui reste légère grâce à son alternance entre lisibilité et abstraction. Ci-dessous, le texte de Estelle Spoto que Wolubilis a publié pour l'occasion sur le travail d'Etiennette Plantis :

A quel point sommes-nous englobés dans une standardisation généralisée ? Ne sommes-nous pas tous plongés dans une illusion collective, en plein déni, tous les Jim Carrey d'un Truman Show à l'échelle planétaire ? Ce sont ces questions que pose, l'air de rien, Etiennette Plantis (née en 1986) dans l'installation qu'elle a montée suite à sa résidence d'un an au TAMAT (Centre de la Tapisserie, des Arts Muraux et des Arts du Tissu de la Fédération Wallonie-Bruxelles), à Tournai. Une résidence qui a eu pour effet de l'éloigner de la peinture -qui reste malgré tout bien présente- pour des créations en trois dimensions, une vraie appropriation de l'espace.

Le titre de l’œuvre : Et vous le bonheur, vous l'imaginez comment? Soit un slogan du Club Med dans les années 80. Car c'est aux vacances qu'elle est consacrée, et plus particulièrement à l'imagerie des villages construits de toutes pièces par des entreprises commercialisant des séjours « all inclusive » dans un lieu fixe garantissant le cocktail à succès Sea Sex and Sun. Des royaumes du factice, vite édifiés, avec des matériaux bon marché, au goût parfois douteux. Implantées dans des pays exotiques tout en maintenant une distance rassurante avec la vie locale, ces forteresses idylliques avaient sans doute de quoi intriguer cette Bretonne pour qui passer du temps au bord de la mer était une activité quotidienne, naturelle.

L'installation s'est développée autour d'une collection de photos qu'Etiennette Plantis a démarrée quand elle était encore étudiante à l'Erg à Bruxelles. Collectionner est sa première pratique artistique. « Les collections me permettent de mettre à distance mon ressenti personnel pour utiliser davantage celui des autres », explique la plasticienne.  Cet ensemble comprend plus de 200 images glanées aux puces, dans des brocantes ou découpés dans des magazines. Si les époques et les lieux varient, les différentes scènes se font écho par la récurrence de certains motifs, véritables stéréotypes de la société des loisirs, expressions d'un conformisme aussi effrayant que fascinant.

Si elles peuvent évoquer le travail d'un Buren, les rayures omniprésentes sont avant tout celles des serviettes de plage, étendues au sol, suspendues pour sécher, jetées négligemment ou dans un geste sensuel étudié au-dessus du paravent. Les rayures côtoient d'autres obsessions de l'imaginaire vacancier, comme le quadrillage des carreaux recouvrant le fond des piscines. Lignes rouges, jaunes, bleues s'accompagnent et se croisent, peintes et imprimés, sur plastique et sur tissu, de temps à autres troublées par quelques courbes aquatiques. On y croise également des figures, comme Haydée, autre Collectionneuse, autant d'objets que d'homme, célébrée par le cinéaste Eric Rohmer à l'été 1967, mais aussi des baigneuses soviétiques, références à une utopie politique où tout le monde aurait droit à sa part d'Eden estival. « Le bonheur si je veux. »

Dans cet univers plastique, les femmes occupent donc une place particulière, elles qui sont censées s'affamer de janvier à juin pour afficher la silhouette la plus séduisante possible à la plage. Des mois de privation pour quelques semaines de liberté. Un planning absurde que semble défier une dame à chapeau venue du passé, avançant au bord de l'eau à vélo, dont l'image a été reproduite sur une robe accrochée à un cintre. Une femme qui nargue les diktats, ceux des publicités et des magazines. Ceux qui édictent l'art d'aménager son intérieur, du choix de la vaisselle au soin des plantes vertes, longtemps l'unique espace régenté par le deuxième sexe. A sa manière, Etiennette Plantis est une artiste engagée, d'une façon « moins manifeste mais tout autant viscérale », dit-elle, que d'autres aux pratiques plus ostentatoires. « Et en même temps, moi aussi je vais chez Ikea. Je fais partie de ce déni généralisé. Je ne veux pas donner de morale. Je crois qu'il est possible de s'extirper de certains clichés, encore faut-il en être conscient. »